Elle donne des ailes aux bateaux
Interview
Sue Putallaz – Fondatrice de MobyFly
3:20 | Portrait
Petite fille, Sue Putallaz s’imaginait déjà construire des aqueducs en Afrique. Est-ce si étonnant pour cette Genevoise d’adoption qui a longtemps habité près de la Méditerranée et qui s’est aujourd’hui
ancrée au bord du Léman ? « Je ne peux pas vivre loin de l’eau, confie-t-elle, sinon je suis malheureuse. L’eau est la plus précieuse des ressources, il est essentiel de la protéger. » Quant à son envie d’ailleurs, elle lui vient peut-être des voyages de son enfance, lorsqu’elle accompagnait sa maman, multi-entrepreneure accomplie, un « modèle féminin fort qui m’a fait du bien, m’a toujours encouragée à suivre mes passions et me répétait que la seule limite, c’est nous-même ». Ce dont elle est certaine, c’est que cette envie d’innover l’habite depuis toujours.
Pour avoir un impact écologique, il faut voir grand !
Un parcours qui coule de source
Construire, voilà ce qui anime Sue Putallaz, que ce soit « un aqueduc, une entreprise ou des bateaux, peu importe, tant qu’il s’agit de faire avancer les choses ». Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a su appliquer cette vision à sa propre carrière. Diplômée en ingénierie, puis en hautes études commerciales à l’Université de Genève, elle rejoint un bureau d’audit international, où elle conseillera les grandes entreprises suisses en stratégie digitale. En 1999, elle fonde la start-up eMonkey en Valais, une plateforme B2B dédiée aux achats professionnels, avant d’occuper durant sept ans, à Genève, le poste de secrétaire adjointe au Département de l’aménagement, de l’équipement et du logement (DAEL). Plus tard, elle s’accorde une respiration de plusieurs mois, et troque son agenda surchargé contre un projet privé de rénovation en Valais. Elle revient aux affaires et crée en 2012 Dedale Solutions, une société de conseil spécialisée en public affairs et innovation. C’est dans ce contexte qu’elle rencontre Anders Bringdal et Ricardo Bencatel, ses futurs partenaires chez MobyFly.
Rapides et zéro émission, les bateaux électriques de MobyFly seront déclinés en trois tailles et permettront de transporter jusqu’à 350 passagers, à des vitesses supérieures à 70 km/h.
Décarboner la mobilité au fil de l’eau
« Anders était un de mes clients, avec sa start-up SeaBubbles. Il développait des bateaux-taxis de petite taille. Je trouvais l’approche innovante, mais avec un effet limité. » Car elle en est convaincue : pour avoir un impact écologique, il faut voir grand ! « C’était comme tenter de résoudre la question du transport routier avec des taxis. Pour avoir un réel impact sur la décarbonation du transport maritime, lacustre et fluvial, il faut s’attaquer à la transition du transport de passagers de masse. » De cette conviction et de leurs échanges naît MobyFly, en janvier 2020. En décembre 2022, leur premier bateau hydrofoil, qui permet d’embarquer 12 passagers, est mis à l’eau au Bouveret pour une série de tests. Aujourd’hui, l’industrialisation du prototype est en route, avec des premières livraisons prévues en 2025 en Europe. Et lorsqu’on lui demande si, dans six ou sept ans, on pourra voir voler des bateaux sur le Léman, elle reste énigmatique et répond en souriant : « Et pourquoi si tard ? »