Portrait

L’IA au service de l’énergie

Roberto Castello, physicien spécialisé dans les énergies au Swiss Data Science Center, utilise l’intelligence artificielle (IA) pour accélérer la transition énergétique. Explications.

Interview

Roberto Castello, expert dans l’analyse de Big Data nous donne sa vision du monde de demain

3:42 | Portrait

Lors des accords de Paris en 2015, la Suisse s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050 et à réduire les émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici à 2030 (par rapport à 1990). En 2019, l’initiative pour les glaciers qui visait à inscrire cet objectif dans la loi, a vu le jour. Allant trop loin selon le Conseil national, celui-ci a rédigé un contre-projet dont est issu la “loi climat”, acceptée par le peuple en juin 2023. 

Afin d’atteindre la neutralité climatique prévue en 2050, le mix énergétique évolue. Les énergies fossiles et le nucléaire sont peu à peu remplacés par l’électricité produite grâce aux énergies renouvelables. Cette transition a un impact direct sur la gestion du réseau : « Nous passons d’une production électrique centralisée à un système décentralisé qui est beaucoup plus complexe à gérer», explique Roberto Castello, physicien spécialisé dans la science des données appliqué au domaine de l’énergie au Swiss Data Science Center (SDSC). Le scientifique prend comme exemple le changement de paradigme résultant des installations de panneaux solaires chez les particuliers. « Nous évoluons vers un schéma où des « prosumers » produisent et consomment leur propre énergie », relève le scientifique. Comme ces particuliers injectent leur surplus d’électricité dans le réseau, si les opérateurs peuvent prédire leur production, ils peuvent anticiper la quantité d’électricité produite ou achetée ailleurs afin de maintenir le réseau stable. 

Roberto Castello

En entraînant les algorithmes d’apprentissage sur les données collectées dans le passé, il est par exemple possible de prédire combien d’énergie vont produire des panneaux photovoltaïques en fonction des conditions météorologiques prévues.

C’est là qu’intervient l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique. Ces outils permettent une meilleure gestion des énergies renouvelables grâce à l’équilibrage entre la production et la consommation. Roberto Castello développe : “En entraînant les algorithmes d’apprentissage sur les données collectées dans le passé, il est par exemple possible de prédire combien d’énergie vont produire des panneaux photovoltaïques en fonction des conditions météorologiques prévues”. Afin de récolter les données, des compteurs dits intelligents sont en train de remplacer les compteurs électriques traditionnels. Ceux-ci envoient des données sur la consommation énergétique des ménages aux fournisseurs toutes les quinze minutes. Selon l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), près de 80% des foyers doivent en être équipés d’ici à la fin 2027. 

L’apprentissage automatique appliqué au domaine de l’énergie permet également de renforcer la sécurité du réseau. Suite à une demande de l’Office Fédéral de l’Energie (OFEN) qui cherchait un moyen de classifier le niveau de vulnérabilité des distributeurs d’électricité en Suisse face aux cyberattaques, le chercheur et ses collègues du Swiss Data Science Center ont développé un outil basé sur l’IA. Ils ont sélectionné un certain nombre de critères tel que la quantité de populations desservies par tel gestionnaire de réseau. Ils ont également inclus des données sur les infrastructures sensibles présentes sur le territoire, comme les hôpitaux ou les aéroports ainsi que le nombre d’installations photovoltaïques dans chaque municipalité. « Ces données, injectées dans notre algorithme, permettent de mieux classifier le niveau de vulnérabilité et donc renforcer la sécurité du réseau électrique », assure-t-il. Le chercheur constate que les institutions suisses sont relativement ouvertes à cette technologie. Pour ce pionnier en IA, « la science des données permet, dans la gestion de l’énergie notamment, d’ajouter une couche supplémentaire de connaissances à nos prédictions, et ça, c’est un réel pouvoir ».

Roberto Castello
Biographie

Né en 1982 à Turin

2010

Doctorat en physique des particules à l’Université de Turin en collaboration avec le CERN

2011

Post-doctorat à l’Université Catholique de Louvain financé par le Fonds National Belge pour la Recherche Scientifique (toujours en collaboration avec le CERN) 

2015

Chargé de recherche au CERN

2018

Il est engagé comme collaborateur scientifique à l’EPFL sur un projet qui vise à appliquer les techniques d’analyse des données au domaine des énergies renouvelables

2021

Rejoint le Swiss Data Science Center de l’EPFL