Portrait

Une femme solaire

L’administratrice Karin Perraudin a déjà vécu de nombreuses vies professionnelles. Elle s’apprête à ouvrir un nouveau chapitre de sa carrière en Suisse alémanique.

C‘est une femme solaire. Un peu facile comme formule dans un magazine dédié à l’énergie, mais Karin Perraudin a indéniablement cette qualité. Le soleil, c’est ce qui la ressource, nous confie-t-elle, mais aussi ce qui la caractérise tant elle déploie ses rayons un peu partout. Administratrice professionnelle, la Valaisanne partage son temps entre la présidence du Groupe Mutuel (GM) et sa participation aux conseils de fenaco, de Genève Aéroport (AIG) et de la Fovam, une structure de soutien aux personnes en situation de handicap. Cette mère de famille qui a deux ados rappelle qu’elle-même vient «d’une famille d’entrepreneurs où on parlait beaucoup d’économie et de politique».

Début de carrière

Elle obtient son master HEC à Lausanne puis effectue un diplôme d’experte comptable et débute sa carrière chez PwC. Elle audite alors tout ce que la Suisse romande connaît de PME. En parallèle, elle siège huit ans au Grand Conseil de son canton, ce qui lui permet de construire très jeune un large réseau. L’occasion aussi pour elle de comprendre que le tempo du législatif, très peu pour elle.

En parallèle, Karin Perraudin décroche son premier conseil d’administration, celui de la Banque cantonale du Valais à… 26 ans. « J’avais ces deux facettes qui ont séduit, la connaissance du tissu économique et politique local et les compétences financières. Et être une femme qui a le courage de ses opinions, cela a été déterminant ». Pour le reste, être propulsée dans un milieu d’hommes a été vécu comme un moment d’extrême bienveillance. « Mes collègues ont eu à cœur de m’accompagner, j’ai gagné leur confiance et me suis vue attribuer de plus en plus de responsabilités ».

Karin Perraudin

J’avais ces deux facettes qui ont séduit, la connaissance du tissu économique et politique local et les compétences financières. Et être une femme qui a le courage de ses opinions, cela a été déterminant.
Accepter mais ne pas subir

La femme d’affaires change alors d’orientation professionnelle et prend la casquette d’entrepreneuse et rejoint l’entreprise familiale créée par son grand-père. « Une PME qui faisait l’intermédiaire entre producteurs de fruits et légumes et la grande distribution. ». Karin Perraudin s’occupe des finances ainsi que des RH et dirige l’affaire avec ses deux frères pendant 12 ans. Jusqu’à la revente au groupe fenaco dont elle deviendra plus tard administratrice. En 2014, elle reprend la présidence du Groupe Mutuel à un moment où celui-ci devait se repositionner après des années de forte croissance.

Un job de plus en plus complexe avec une réglementation qui s’intensifie. Les situations difficiles, l’administratrice aime. Comme lors de cette récente crise avec les employés de l’AIG qui ont fait grève en tout début d’été. Les deux parties ont maintenant un an pour finaliser la négociation d’un nouveau système de rémunération, « c’est notre responsabilité de dirigeants d’entreprise de réformer ce système, on doit accepter les pressions mais ne pas les subir ».

Les similitudes de l’assurance

Elle n’a pas 50 ans et déjà toutes ces vies… Autant dire que le chemin va se poursuivre. Dans quelques semaines, elle intégrera un nouveau conseil, à Bâle cette fois, dans le domaine du négoce de matières premières. Une autre dimension, plus internationale, s’ouvre à elle alors que ce qui a constitué le fil rouge entre ses différentes activités jusqu’ici, c’est son canton. « Je suis amoureuse de cette région, raconte celle qui vient de terminer son mandat chez Valais/Wallis Promotion. fenaco est une coopérative agricole, ce secteur agricole est toujours un pilier économique important du canton, le Groupe Mutuel est une entreprise nationale mais fortement ancrée ici, et l’AIG c’est la porte d’entrée touristique du Valais ».

Le nouveau mandat qui se profile lui soumettra des problématiques différentes, “de la diversité aussi utile pour le développement personnel ». Et la politique ? « Si je devais revenir, ce serait plutôt dans un exécutif. La stratégie et la négociation m’intéressent, moins les grands discours. Je ne fais pas de plan, mais je ne ferme aucune possibilité ». Le soleil passe même sous les portes.

Entre le domaine des assurances et celui de l’énergie, Karin Perraudin voit beaucoup de similitudes. « Ce sont des thèmes qui touchent les individus de manière très directe et ils représentent des biens dont on réalise la valeur le jour où on est en difficulté, soit à cause d’une maladie dans notre cas, soit au moment de pénurie lors de la guerre en Ukraine pour l’électricité ».

Cette valeur qui ne se sent pas avant de l’avoir touché s’exprime aussi dans les deux mondes très réglementés et il existe peu de marge de manœuvre en termes de concurrence. « Sans oublier que nous comptons dans les deux domaines des actionnaires particuliers. Une fondation possède le Groupe Mutuel, mais au final, ce sont les assurés, les compagnies d’énergie appartiennent aux collectivités publiques, donc aux contribuables ».

Karin Perraudin

C’est notre responsabilité de dirigeants d’entreprise de réformer ce système, on doit accepter les pressions mais ne pas les subir.
La force de la terre

Pour le futur, elle imagine son canton briller de mille feux. « On peut être fier du chemin parcouru notamment dans le domaine de l’innovation avec l’écosystème qui se met en place autour de l’EPFL. Les mentalités ont changé aussi, avec une plus grande diversité culturelle. Le Valais ne doit pas seulement accueillir de nouvelles populations pour travailler dans nos entreprises innovantes, il doit aussi avoir une offre culturelle et touristique à la hauteur ».

Celle qu’on peut croiser au Palp Festival notamment sait à quel point les moments de communion entre identité forte et nature sont précieux pour recharger les batteries. « Notre atout, c’est ce que nous avons autour de nous, la nature vers laquelle la population se tourne de plus en plus. C’est la force de la terre qui nous porte. Cependant, nous devons apprendre à travailler encore plus ensemble pour renforcer notre position. Notre concurrent n’est pas juste à côté mais à l’autre bout de la planète ».