Questions à Sébastien Munafò
La mobilité électrique occupe une place de choix dans la poursuite de nos objectifs climatiques. Est-ce la solution miracle ?
L’électrification de la mobilité fait clairement partie du bouquet de mesures à entreprendre pour répondre aux défis environnementaux ; et elle est sans doute la plus simple. Les technologies existent, les obstacles ne sont pas insurmontables et la voiture électrique ne bouscule pas nos habitudes en matière de déplacements. D’autres mesures sont indispensables, mais elles supposent des solutions plus coûteuses et des compromis plus douloureux…
Quels sont ces leviers ?
Lorsque l’on aborde la décarbonation de la mobilité, on devrait en actionner trois, dans un ordre précis. D’abord, réduire significativement les distances de déplacement, ce qui suppose, par exemple, de repenser ses vacances au bout du monde. Ensuite, favoriser le report modal vers des solutions plus exemplaires, c’est-à-dire utiliser des modes de transport moins polluants : le train plutôt que l’avion, le vélo plutôt que la voiture, etc. Et, seulement après, améliorer le bilan carbone de la mobilité, notamment en remplaçant les voitures thermiques par des voitures électriques. En commençant par l’électrification, on fait donc les choses à l’envers. On commence par ce qui remet le moins en cause nos modes de vie. Et puis ce n’est pas parce que c’est électrique que l’on a tout réglé…
Ce n’est donc pas uniquement une question de motorisation ?
Non, on doit absolument associer les réflexions sur l’électrification du parc automobile à des réflexions sur la composition de ce parc. Les constructeurs proposent en effet des modèles de plus en plus lourds. Il faut à l’inverse multiplier les véhicules les plus petits et les plus légers possible, pour un meilleur bilan carbone.
Nous devons questionner nos habitudes de déplacement.
Devra-t-on malgré tout modifier nos habitudes de déplacement ?
On ne va pas échapper à la nécessité d’insuffler une dose de sobriété en la matière. D’autant que la mobilité n’est pas une fin en soi : on bouge pour pratiquer une activité ailleurs. Les vacances sont un excellent exemple. Le sujet est plus compliqué pour la mobilité domicile-travail, car la marge de manœuvre est moins large. Mais elle ne représente en réalité que 20% de nos déplacements. L’essentiel concerne en effet les loisirs quotidiens et occasionnels, ainsi que les achats.
Sommes-nous assez inventifs pour imaginer la mobilité de demain ?
Nous n’avons pas forcément besoin de solutions disruptives, c’est même presque l’inverse. Il ne faut pas oublier que le bouleversement de nos habitudes de transport par l’automobile remonte seulement au milieu du siècle dernier ! Inutile donc de réinventer la roue : la marche, le vélo, le train, le tramway sont des options efficaces et peu polluantes. On doit d’abord remettre ces solutions au goût du jour, avec un peu de technologie par-ci, par-là.