La France mise tout sur l’éolien flottant
C’est une première mondiale. En septembre dernier, trois éoliennes flottantes ont été inaugurées dans les bassins de Fos-sur-Mer, à proximité de Marseille. Le projet, « Provence Grand Large », développé par EDF Renouvelable, situé à 17 km des côtes, doit entrer en service en ce début d’année. Ces éoliennes, d’une capacité unitaire de 8,4 mégawatts, ont la particularité de reposer sur un flotteur constitué d’un tripode d’acier, dont la stabilité est assurée par des câbles sous-marins tendus et accrochés une centaine de mètres plus bas, au fond de l’eau, par un système totalement innovant d’ancres à succion enterrées. Ses concepteurs, le néerlandais SBM Offshore et le français IFP Énergies nouvelles parlent même d’une « première mondiale » développée selon un système issu des plateformes pétrolières.
Les chiffres sont démesurés : le tripode, en grande partie immergé, pèse près de 1’700 tonnes. Par des câbles, il est fixé à trois blocs d’aciers de sept mètres de diamètre et douze mètres de hauteur qui reposent au fond de la mer. L’éolienne s’élève quant à elle à plus de 174 mètres au-dessus des flots. Chacun de ces trois mâts est espacé d’environ 900 mètres. Ce gigantesque projet a été imaginé pour répondre à une contrainte. Ici, toute fondation classique est inenvisageable. Les fonds marins descendent en flèches dès qu’on s’éloigne des côtes.
Le prototype a coûté près de 300 millions d’euros. L’électricité produite reviendra donc à 240 euros le mégawattheure, contre de 40 à 50 euros dans des fermes à éoliennes offshore classiques. Mais ce sont les premiers pas d’une ferme pilote dont l’objectif est de démontrer la faisabilité technique et économique du projet ainsi que d’acquérir un retour d’expérience.
En effet, après avoir raté le développement de l’éolien offshore, la France veut se positionner comme fer de lance de l’éolien flottant. Car pour parvenir à l’objectif fixé par le gouvernement d’une production électrique d’éolien en mer de 40 gigawatts d’ici 2050, la France doit se hâter. Loin derrière le Danemark par exemple, dont 48,6% de la production d’électricité est issue d’éoliennes, cette dernière ne représente que 8,6% de la production électrique nationale.
Le seul moyen d’augmenter assez fortement la production d’électricité au cours des 15 prochaines années, c’est de développer l’éolien et le photovoltaïque parce que les prochains réacteurs nucléaires arriveront trop tard.
Et même si la France veut développer le nucléaire, « le seul moyen d’augmenter assez fortement la production d’électricité au cours des 15 prochaines années, c’est de développer l’éolien et le photovoltaïque parce que les prochains réacteurs nucléaires arriveront trop tard », avait déclaré Emmanuel Macron jeudi 22 septembre dernier lors d’un déplacement sur le parc éolien construit par EDF au large de Saint-Nazaire, le premier parc à avoir vu le jour en France, il y a 10 ans. En effet, selon les prévisions, les besoins électriques du pays devraient augmenter de 30 % d’ici à 2050 par rapport à 2020. Or, les éoliennes offshores sont bien plus efficaces que leur équivalent terrestre, elles produisent jusqu’à deux fois plus d’énergie. L’objectif du président français est ambitieux. Emmanuel Macron espère que 40 gigawatts d’électricité pourront être produits par l’éolien offshore, soit environ 50 parcs. Pour le moment, « Provence Grand Large » doit devenir en ce début d’année le deuxième site en activité du pays. Mais 16 autres projets sont en cours de développement au large des côtes françaises.
Surtout qu’en France, à l’image du parc éolien au large de Saint-Nazaire, les projets de fermes éoliennes maritimes font face à de nombreuses contestations. L’absence d’études d’impact sur la biodiversité étant jugée inquiétante pour de nombreux opposants. En effet, si EDF défend, une « absence de perturbation des fonds marins » des trois éoliennes flottantes inaugurées au large de Marseille, les associations de défense de l’environnement, telles que l’ONG Sea Shepherd, craignent que les éoliennes impactent la biodiversité marine et tuent des oiseaux avec leurs pâles. Le cabinet Natural Power mandaté par EDF estime que cinq espèces d’oiseaux marins pourraient être affectés par le risque de collision avec les pâles. Face à ce danger, EDF s’est engagé à arrêter ses turbines 500 heures par an, pendant les périodes de reproduction des oiseaux.
Avec ou sans délai, l’horizon s’éclaircit en France pour l’éolien. Après un appel d’offre ouvert à l’échelle commerciale cette fois pour une ferme d’éoliennes flottantes au sud de la Bretagne, un second appel d’offre est en cours pour deux parcs de 250 mégawatts chacun en méditerranée, l’un au large de Fos-sur-Mer (où ont été installées les trois prototypes) et un deuxième au large de Port-la-Nouvelle (Aude). Les candidats ont jusqu’à avril pour se prononcer.