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A la COP28, le Pape François en apôtre de la « maison commune »

Une intervention historique pour le pape, chef de l’Église catholique et chef d’État monarchique du Vatican qui est invité pour la première fois à la COP28 depuis sa fondation.
Ne pouvant être présent suite à une maladie, le numéro deux du Vatican, Pietro Parolin présente son manifeste dans lequel il s’exprime sur les enjeux énergétiques et financiers mondiaux avant de proposer des solutions philanthropes.

Du 30 novembre au 12 décembre s’est déroulée la COP28 à Dubaï. Pour la première fois depuis la création des conférences des Nations Unies sur les changements climatiques, un pape avait prévu d’y participer en personne. Finalement, le Pape François a dû y renoncer à cause d’une bronchite. C’est le numéro deux du Vatican, le cardinal secrétaire d’État Pietro Parolin qui prononça le texte devant une assemblée de plus de 200 invités constituée de chefs d’États et de gouvernements du monde entier, de banquiers, de lobbyistes et de patrons des principaux producteurs d’hydrocarbure.

Dans son discours, le Pape François estime que « la dévastation de la création est une offense à Dieu, un péché […] qui se répercute sur l’être humain, en particulier sur les plus faibles ». Un début de texte qui amorce son propos, une critique à peine teintée du libéralisme et de l’explosion des inégalités : « Les tentatives de faire retomber la responsabilité sur les nombreux pauvres […] sont des tabous auxquels il faut absolument mettre fin. Ce n’est pas la faute des pauvres puisque près de la moitié du monde la plus pauvre n’est responsable que de 10 % à peine des émissions polluantes, alors que l’écart entre les quelques riches et les nombreux démunis n’a jamais été aussi abyssal. » Des propos que le Pape François illustre : « pensons aux populations autochtones, à la déforestation, au drame de la faim, à l’insécurité en eau et alimentaire, aux flux migratoires induits » et va jusqu’à proposer des réponses : « supprimer les dettes financières qui pèsent sur divers peuples, à la lumière également de la dette écologique qui leur est due ». 

Le Pape François

Avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un fonds mondial, en vue d’éradiquer une bonne fois pour toute la faim.

Dans la suite de son discours, le Pape François s’inquiète du « refroidissement général du multilatéralisme » et de la « défiance croissante à l’égard de la Communauté internationale ».  Il questionne : « Combien d’énergie l’humanité gaspille-t-elle dans les si nombreuses guerres en cours, comme en Israël et en Palestine, en Ukraine et en beaucoup d’autres régions du monde ? » Là aussi, le pape François amène une proposition : « Avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un fonds mondial, en vue d’éradiquer une bonne fois pour toute la faim. » Il conclut ensuite son texte en demandant à son audience que la COP28 conduise à une « accélération décisive de la transition écologique » et ce, à travers des mesures « efficaces, contraignantes et facilement contrôlables ». Des vœux qui n’ont pas vraiment été exaucés vu le caractère non contraignant qui a, une fois de plus, émergé des mesures prises par la COP28.

Cette prise de position sur la sauvegarde de la « maison commune » n’est pas étonnante de la part du Pape François. Elle s’inscrit dans la lignée de l’encyclique Laudato si («Loué sois-tu») publiée en 2015, à la veille de la COP21 de Paris. Dans ce manifeste de 200 pages qui défend une « écologie intégrale », le pape François considère que « tout est intimement lié », l’économie et l’écologie, la défense des populations paupérisées et la protection de la planète. En amont de la COP 28, le 4 octobre dernier, le jésuite argentin a publié «Laudate Deum» («Louez Dieu»), un texte plus accessible qui appelle les grandes puissances à abandonner les énergies fossiles. La défense de l’environnement est l’un des grands combats menés par le pape François depuis son élection en 2013.

Mais pour ses critiques, le Pape François tente ainsi de pardonner au christianisme son péché écologique originel inscrit dans La Genèse : « Soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la ; Soyez les maîtres des poissons de la mer, des oiseaux du ciel, et de tous les animaux qui vont et viennent sur la terre. » Des mots analysés par certains, à l’instar de l’historien américain Lynn Townsend White Jr qui conclut que « le christianisme est la religion la plus anthropocentrique que le monde a connu ». Dans son livre intitulé « Les racines historiques de notre crise écologique », le médiéviste appuie que le judéo-christianisme a ouvert la porte aux effets écologiques délétères à travers le matérialisme et le dualisme matière-esprit de ses textes fondateurs. 

Cependant, certains hommes d’église à l’instar de Saint François d’Assise (1182-1226) avaient déjà remis l’homme sur un pied d’égalité avec les autres espèces en vie sur cette planète. Le pape François n’hésite pas, pour inscrire son engagement écologique dans la tradition chrétienne à faire appel à d’autres textes bibliques qui « nous invitent à “cultiver et garder” le jardin du monde ».