Le monde de demain

Coldplay: réaliser une tournée écologique, est-ce un leurre?

Alors que les spectateurs suisses ont pu profiter du concert de Coldplay en juillet dernier à Zürich, la tournée mondiale du groupe a fait couler beaucoup d’encre en raison des mesures écologiques adoptées. L’industrie du spectacle peut-elle baisser son empreinte carbone tout en répondant aux attentes toujours plus élevées du public? S’il reste encore du chemin à parcourir, des solutions se dessinent.

Faire croire que l’on peut faire une tournée écologique, c’est berner le public d’illusions. Il n’y a rien d’écologique dans le fait de demander à des dizaines de milliers de gens de se déplacer. À l’évocation de la tournée de Coldplay, Michael Drieberg n’y va pas de main morte. Pourtant, le directeur du festival Sion sous les étoiles n’est pas un pessimiste. Son postulat c’est que, par essence, une tournée ne peut être neutre climatiquement. En revanche, « il y a une réelle volonté des groupes et artistes de baisser leur empreinte carbone et nous devons continuer à nous creuser la tête pour que des solutions soient trouvées et adoptées. C’est un challenge, et c’est ce qui rend notre époque intéressante. »

Lionel Martin, directeur du festival Tohu Bohu

Il va falloir trouver des moyens de faire la même chose en dépensant beaucoup moins d’énergie.
Faire pareil avec moins

Une tournée neutre écologiquement, c’est donc une tournée… qui n’existe pas. « Or la culture fait partie intégrante de nos besoins, comme nous l’a prouvé la pandémie, durant laquelle nous en étions privés », continue Lionel Martin, directeur du festival Tohu Bohu. « Bien sûr, pour jouer de la musique, nous n’avons pas besoin d’autre chose qu’un peu de lumière et de son. Pourtant, nous ne devons pas minimiser le plaisir que procure une grande manifestation au public. » Le paradoxe: malgré le discours écologique que peuvent prôner les artistes, le public est friand de shows toujours plus spectaculaires. L’industrie musicale étant un secteur en plein développement, « il va falloir trouver des moyens de faire la même chose en dépensant beaucoup moins d’énergie », estime Lionel Martin.

Des solutions émergent du milieu musical

Dans cette « mission », les célébrités, parce qu’ils sont sous les feux des projecteurs, au travers de leur discours, mais surtout de leurs actions, jouent un rôle dans la sensibilisation du public. Tout comme les festivals. Néanmoins, Michael Drieberg estime que l’industrie musicale est victime de beaucoup de pression. « Cela reste du spectacle, nous ne devons pas tout enlever. » Aujourd’hui, la meilleure direction à prendre est « de faire du mieux possible », estime-t-il. Il évoque avec satisfaction le choix de Sion sous les étoiles de ne plus changer de visuel.

Comparatif CO2 de la tournée précédente

-50%

À l’image de Coldplay, qui a consulté des experts de la crise climatique pour réaliser sa tournée afin qu’elle génère 50% de CO2 de moins que la précédente (2016-2017), de nombreuses initiatives viennent du milieu musical pour essayer de faire bouger les lignes. Le groupe a ainsi créé un site internet dédié qui détaille par secteur les solutions adoptées afin de réduire son empreinte carbone. Énergie solaire, biocarburant, système de batterie dans le domaine de l’énergie ou encore matériel recyclé et réutilisable pour le montage de la scène. Tout a été minutieusement étudié sous la loupe du développement durable.

La particularité: cette étude sera par ailleurs mise à la disposition de l’industrie musicale qui pourrait en reprendre les recommandations afin de développer ces solutions à large échelle.

Enjeux financiers

Cela nous permet de constater que des avancées existent déjà et que d’autres ne tarderont probablement pas à se démocratiser, tout comme cela a été le cas pour le passage au LED de l’éclairage et des écrans géants. « Cela a fondamentalement changé la consommation des grands spectacles en la divisant par dix, relève Michael Driebeg.

Le groupe Massive Attack a également mandaté une équipe de chercheurs pour trouver des solutions afin de réduire l’empreinte carbone de leurs concerts.

Cependant, alors que les grosses manifestations ont effectué ce tournant, ce dernier est plus difficile à faire pour les petites manifestations parce que les coûts sont trop importants. » Il y aurait donc grand besoin d’aides étatiques afin d’encourager la transition écologique des petits festivals ou de salles dont les infrastructures scéniques sont parfois très anciennes, et donc très énergivores.

Michael Drieberg, Directeur du festival Sion sous les étoiles

La taille du festival a été réduite, mais le travail est toujours le même et la programmation et toujours attrayante, avec des noms internationaux.

Pour diminuer sa consommation d’énergie due à l’éclairage, le Tohu Bohu a quant à lui misé sur la décroissance, en réduisant la taille de sa scène. Le festival s’est également débarrassé d’un site problématique qui devait être recouvert chaque année de 2000m2 de plastique pour protéger des courts de tennis. « La taille du festival a été réduite, mais le travail est toujours le même et la programmation et toujours attrayante, avec des noms internationaux. »

Un travail collectif

Si cette mesure a pu être prise par le petit festival de Veyras, l’enjeu semble néanmoins différent pour les grandes manifestations ou les tournées internationales, où les attentes du public sont différentes. Il faut donc une volonté globale, et non uniquement des artistes et des productions pour aller vers une industrie musicale plus propre. En premier lieu, le public doit également y adhérer. À l’image du plancher cinétique utilisé par Coldplay – qui génère de l’énergie grâce aux mouvements de la foule – les installations innovantes permettant de réduire voire compenser l’empreinte carbone d’une grosse manifestation sont coûteuses.