Portrait

Vincent Veillon Vincent Kucholl

À travers leurs personnages, Vincent Kucholl et Vincent Veillon donnent vie à des stéréotypes bien de chez nous, comme autant de miroirs tendus vers nos propres incohérences. L’humour peut-il déjouer les paradoxes et rendre la transition énergétique plus accessible ? Voici ce qu’ils en pensent.

Chronique

Vincent Kucholl et Vincent Veillon

5:55 | Portrait

Quel rôle l’humour peut-il jouer sur un sujet aussi sérieux que la transition énergétique ?

On aborde régulièrement cette thématique parce qu’elle est très présente dans l’actualité – et l’actualité est notre matière première. On estime aussi que ce sont des enjeux très importants. Et puis l’humour permet une forme de vulgarisation. Ce que l’on dit n’est pas forcément « drôle », mais le ton humoristique peut capter l’attention de personnes qui ne s’y seraient pas intéressées autrement. C’est également moins anxiogène pour aborder des sujets de société aussi lourds.

Certains de vos personnages mettent en lumière nos contradictions de « Suisses moyens » face aux enjeux climatiques. Que disent-ils de nous ?

Il y a chez la plupart d’entre nous une forme d’addiction au confort qui rend paresseux. On veut avoir chaud quand il fait froid, froid quand il fait chaud, et manger toute l’année ce qu’on aime, même si ce n’est pas bon pour la planète. Nous sommes informés des conséquences de nos comportements, mais on fait l’autruche… Jusqu’à ce qu’un glacier nous tombe sur la tête. Alors, après une catastrophe, on se mobilise. Puis on oublie. Ce court-termisme est une vraie matière à caricature !

Votre humour est-il porteur d’un message politique ?

On pratique un humour « politique » au sens de « civique ». Pas politisé ni militant. On cherche à interroger des dynamiques collectives sans faire passer un message univoque. À travers nos sketchs et nos clips, l’idée est surtout de questionner, plutôt que de culpabiliser ou de condamner. On aime que les gens disent « Ah, j’en connais un comme ça ! », sans réaliser qu’ils parlent d’eux-mêmes. C’est là précisément que l’humour fonctionne mieux qu’un discours sérieux : il ouvre la porte à une forme de prise de conscience douce, sans frontalité.

Et si on vous proposait de participer à une campagne publique en faveur de la sobriété énergétique ?

Le problème, c’est l’usure du message. Ça fait des années qu’on parle du changement climatique. Or l’absence de décisions politiques fortes crée un sentiment d’impuissance, voire de résignation, chez la majorité des gens. Une manière de relancer l’attention serait peut-être justement de partir du constat que tout le monde s’en fout. Et, en riant malgré tout, on pourrait essayer de faire bouger un peu les lignes…

À titre personnel, êtes-vous optimistes, résignés ou pessimistes face au changement climatique ?

Joyeusement pessimistes ! À notre échelle, on essaie de transmettre à nos enfants des valeurs, une sensibilité. Pour autant, nous sommes loin d’être irréprochables et nous avons, nous aussi, nos propres incohérences – l’autodérision fait d’ailleurs partie de notre démarche humoristique. Et si on se penche sur l’état du monde, alors là, on devient franchement cyniques…