Le monde de demain

Une deuxième vie pour les batteries

Une start-up valaisanne propose une solution d’upcycling pour réutiliser les cellules des batteries employées dans le domaine de la micromobilité électrique. Elle s’apprête ainsi à commercialiser ses premières unités de stockage domestique d’électricité photovoltaïque.

L’entreprise Evolium Technologies, finaliste du Prix Créateurs BCVS 2024, est née de la volonté de son fondateur d’optimiser l’utilisation des ressources. Alors que la micromobilité électrique – vélos et trottinettes, entres autres – fait de plus en plus d’adeptes, il identifie là un potentiel intéressant d’upcycling. « Les batteries usagées deviennent elles-mêmes un déchet encombrant », affirme ainsi Alexandre Staub. « Si on sait aujourd’hui les recycler à plus de 90%, c’est quand même dommage de les détruire alors qu’elles peuvent encore être utiles ! » Il faut en effet savoir que les batteries lithium-ion utilisées dans le domaine de la micromobilité électrique sont composées de plusieurs dizaines de cellules soudées entre elles, à peine plus grandes qu’une pile AA. Or, si l’une de ces cellules voit sa capacité de stockage faiblir, toutes les autres perdent également en capacité. « On jette aujourd’hui des batteries de vélos électriques jugées défectueuses alors qu’elles ont encore une capacité de près de 80% », précise le fondateur. Puisque chaque cellule a une durée de vie supérieure à celle de la batterie complète, il a donc l’idée de réutiliser les cellules encore performantes dans des batteries de seconde vie, pour des applications stationnaires. Une solution simple, en parfaite adéquation avec les principes de l’économie circulaire, et qui permet de revaloriser en Suisse des biens importés. Soit un doublé gagnant sur les plans écologique et économique.

Augmenter la part d’autoconsommation d’électricité solaire

Son projet, amorcé dans un laboratoire de la Haute École Arc du Locle, donne lieu à la création de la société Evolium Technologies début 2024. « Nous avons choisi de nous installer à Sion, sur le campus Energypolis, un chaudron très dynamique de petites et grandes entreprises de l’énergie », raconte le CEO. Pour répondre à ses besoins spécifiques, l’entreprise a ainsi développé un robot capable de trier automatiquement les batteries usagées, d’en isoler les différentes cellules et de les tester une par une pour vérifier leur capacité. Celles qui sont encore opérationnelles sont ensuite réassemblées pour former une nouvelle batterie modulaire et réparable, destinée au stockage de l’électricité solaire. Des unités qui ont vocation à augmenter la part d’autoconsommation des particuliers et des entreprises propriétaires d’installations photovoltaïques. Dans un premier temps, Evolium Technologies récupère les batteries utilisées dans le domaine de la micromobilité. Mais elle pourrait également valoriser les cellules des appareils électroménagers ou des outils électroportatifs, qui contiennent en grande majorité ce type de cellules.

L’entreprise se distingue par ailleurs par son modèle commercial. « Moyennant un abonnement mensuel de quelques dizaines de francs, les modules qui composent les batteries de nos clients seront monitorés à distance et, dès lors que l’un d’entre eux sera identifié comme défectueux, un module de rechange leur sera envoyé », résume Alexandre Staub. Facile à remplacer soi-même, il offrira plusieurs cycles de vie à l’unité de stockage. Réparables quasiment à l’infini, les batteries seront ainsi garanties à vie.

Arnaud Halm (gauche) et Alexandre Staub (droite)

Essais concluants à Crans-Montana

Pour s’équiper de cette technologie, il faudra encore attendre quelques mois. En collaboration avec Bike World (Migros) et Decathlon, un projet pilote permet, pour l’heure, de tester l’ensemble de la chaîne de valeur : récupération des batteries usagées, traitement des cellules et mise à disposition des unités de stockage. Un démonstrateur a également été installé cet été dans le centre sportif de Crans-Montana : il permet de stocker l’excédent d’électricité photovoltaïque produite sur les toits afin d’éclairer les courts de tennis dès la nuit tombée.

La commercialisation des premières unités de stockage est quant à elle prévue pour 2025. D’une capacité modulaire commençant à 10 kWh, elles seront destinées notamment à des applications domestiques, pour le stockage de l’énergie produite in situ. Le prix de vente des batteries d’Evolium Technologies devrait être environ deux à trois fois plus bas que celui des unités de stockage neuves actuellement disponibles sur le marché. Elles seront commercialisées via les distributeurs d’électricité, sur abonnement et avec garantie de capacité à vie. « À terme, notre ambition est de remettre en circulation quelque 5 millions de cellules individuelles chaque année, ce qui représente l’installation de 8 MWh de batteries par an », conclut Alexandre Staub.