Inforama

Non, se chauffer au bois ne met pas nos forêts en danger !

Si le bois-énergie constitue déjà une filière durable, son exploitation permet aussi et surtout d’entretenir les forêts et de préserver leur rôle protecteur. On en parle avec Stéphane Sciacca, le chef de section des forêts pour l’État du Valais.

En Suisse, l’exploitation forestière est soumise à un cadre légal aussi rigoureux que pertinent, garantissant la préservation de la nature. Si dans l’imaginaire collectif le fait de couper des arbres, notamment pour se chauffer, peut sembler néfaste pour l’environnement, la pratique démontre l’inverse. Car en exploitant les ressources de nos forêts, on stimule en réalité leur régénération, ce qui améliore leur rôle de protection contre les dangers naturels.

Comment le cadre légal régit-il l’activité forestière en Suisse ?

La réglementation suisse impose globalement que les prélèvements de bois ne dépassent pas l’accroissement de nos forêts. Il est donc interdit de couper davantage d’arbres qu’il n’en repousse sur notre sol. En Valais, la récolte de bois annuelle s’élève à environ 130 000 m3, dont la moitié pour produire du bois-énergie, sur une croissance forestière estimée à 500 000 m3 par an. On voit donc que, même en intensifiant l’activité de la filière bois au sens large, nous conservons une large marge de sécurité quant à la préservation de cette ressource naturelle.

Une activité qui bénéficie par ailleurs à la bonne santé de nos forêts…

Les prélèvements de bois permettent en fait d’entretenir la forêt en y introduisant du rajeunissement, ce qui lui permet notamment d’assurer durablement son rôle de protection contre les dangers naturels. C’est un aspect central dans un canton alpin comme le Valais, où les forêts de protection représentent près de 90% des surfaces forestières. Sans cette activité de gestion sylvicole active, l’évolution naturelle des forêts passerait par des phases cycliques de décrépitude qui se caractériseraient par leur vieillissement, puis par l’effondrement massif des arbres en fin de vie. Les agglomérations et les infrastructures concernées seraient ainsi exposées aux dangers naturels. Sans parler du fait que, sur le plan économique, l’entretien d’une forêt dite de protection revient jusqu’à mille fois moins cher que la construction d’infrastructures de protection comme les paravalanches, par exemple.

Comment adapter notre patrimoine forestier aux défis du changement climatique ?

Les prélèvements forestiers intensifs survenus au XIXe siècle ont notamment exposé la population de l’époque à davantage de catastrophes naturelles, et les forêts ont alors été reboisées avec des résineux. Aujourd’hui, on remarque que ces essences – les épicéas en particulier – s’avèrent particulièrement sensibles au changement climatique, ce qui les expose davantage aux attaques d’insectes comme le bostryche. La récolte du bois doit donc permettre d’accélérer l’adaptation de nos forêts au changement climatique. Pour cela, il s’agit notamment de créer les conditions pour que des essences adaptées, comme les feuillus, s’installent et se développent. Le chêne en particulier sera amené à être de plus en plus présent à basse et moyenne altitude, jusqu’à 1500 mètres environ. Le forestier doit donc développer une vision à long terme en anticipant l’évolution future du climat et ses impacts sur les écosystèmes. Outre le rajeunissement de la forêt, il est impératif de veiller à diversifier les essences qui la constituent, gage d’une plus grande résilience face aux événements extrêmes auxquels nous allons être exposés de plus en plus fréquemment.

Hormis le bois issu de nos forêts, quelles autres sources de bois privilégier à des fins de chauffage ?

Pour se chauffer, l’idéal est d’utiliser le bois à la fin de tous les cycles de ses utilisations possibles, par exemple celui qui a été exploité dans le secteur de la construction. Le bois de récupération ou bois usagé constitue ainsi une source d’approvisionnement stratégique. En Valais, le potentiel annuel de cette filière est estimé à 90 000 m3, dont seule la moitié est pour l’instant exploitée. Les autres sources proviennent du bois de paysage, soit celui issu des jardins, talus et parcs, dont le potentiel annuel valaisan s’élève à 16 000 m3, la moitié étant utilisée actuellement. Les 60 000 m3 de résidus de bois ou de bois de transformation issus de l’industrie sont quant à eux entièrement utilisés chaque année dans le canton – c’est le cas, par exemple, de la sciure et des copeaux des scieries pour produire des pellets. Un bon indicateur, qui montre que la filière industrielle du bois revalorise déjà l’ensemble de ses déchets dans ce sens.