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La petite reine danoise, ce modèle à suivre

Si Copenhague est la capitale du Danemark, elle est aussi et surtout celle du vélo. Un exemple de mobilité douce qui résulte de facteurs multiples, entre soutien politique, qualité des infrastructures et pragmatisme culturel propre aux Danois. Les villes suisses pourraient-elles s’en inspirer ?

Copenhague, ses rues aux bâtisses colorées, ses canaux qui sillonnent la ville, et ses vélos. Ses innombrables vélos. La capitale danoise peut en effet se targuer d’être également celle de la petite reine. Une réputation portée par des chiffres indéniables. En effet, selon les dernières statistiques publiées par la municipalité, la ville compte 745 800 bicyclettes et 40 000 vélos-cargos pour… 638 000 habitants. Tous les jours à Copenhague, un million et demi de kilomètres sont par ailleurs parcourus à bicyclette. Par rapport aux voitures, les vélos y sont cinq fois plus nombreux.
 
Cette excellente situation en matière de mobilité douce résulte d’inputs politiques décisifs, notamment adoptés dans les années 1970 à la suite du choc pétrolier, et d’investissements conséquents. Durant ces dix dernières années, 200 millions d’euros ont ainsi été investis dans l’adaptation et le développement des infrastructures dédiées à la pratique du cyclisme en ville. « Vers la fin des années 1970, après le choc pétrolier, alors que les déplacements en voiture devenaient inabordables financièrement en raison du prix du carburant, les autorités ont dû se saisir à nouveau de la problématique de la mobilité », explique le designer Mikael Colville-Andersen, considéré comme le pape du cyclisme urbain dans le monde. « Sans argent, la seule option pour continuer à se déplacer consistait alors à rouler à vélo. »

Modèle déclinable

Si l’impulsion a d’abord été économique, la bicyclette s’est aussi rapidement hissée comme moyen de déplacement favori en raison de son côté pratique. « Quand vous demandez aux Copenhaguois pourquoi ils utilisent principalement le vélo pour effectuer leurs trajets quotidiens, ils vous répondent tous la même chose : c’est le moyen de déplacement le plus rapide », poursuit Mikael Colville-Andersen. « Quand je voyage dans d’autres villes où je suis amené à aider les autorités à développer leur politique de mobilité douce, j’entends souvent un discours de communication basé sur le développement durable. C’est une erreur. Car même soucieux de l’environnement, les citadins n’adopteront massivement le vélo que si les infrastructures dédiées peuvent leur permettre de gagner du temps. »

Consultant aux quatre coins du monde pour en finir avec l’hégémonie automobile au sein des villes, Mikael Colville-Andersen a condensé sa connaissance du sujet dans son ouvrage de référence Copenhagenize : The Definitive Guide to Global Bicycle Urbanism. Un modèle notamment basé sur une approche plurielle et inclusive de design – et non d’ingénierie – du déplacement en milieu urbain. Pour l’auteur, c’est précisément là que résident tous les atouts du modèle danois : « À Copenhague, nous avons la chance de pouvoir développer notre offre en matière de mobilité douce en nous basant sur l’expertise de profils variés, dont celle de designers. Partout ailleurs, on a tendance à mettre les ingénieurs sur un piédestal. Leur positionnement pose problème, notamment en raison d’une approche purement technique, alors que le design permet d’adopter un point de vue essentiel, celui de l’utilisateur final. »

Immersion copenhaguoise

Dans la capitale danoise, le vélo est favorisé et priorisé à travers un vaste réseau d’infrastructures à la fois simples et sophistiquées. En y pédalant, on traverse ainsi les canaux en empruntant des passerelles aériennes réservées aux cyclistes. À l’approche de certains carrefours, des voyants lumineux répartis à même le sol nous indiquent si notre allure coïncide avec le passage des feux au vert quelques mètres plus loin. Et pour éviter de devoir poser le pied, ou d’être tenté de griller la priorité, des barres disposées à bonne hauteur permettent de s’y appuyer sans descendre de sa bicyclette, ce qui fluidifie la circulation.

En hiver, alors que la neige tombe sur la ville, les pistes cyclables sont déneigées et salées en priorité par rapport aux routes. Emmitouflés dans leur manteau, les parents amènent leurs enfants à l’école sur leur vélo-cargo, tandis que les automobilistes patientent. Et dans les stations de métro, des parkings à vélos souterrains sont prévus pour faciliter le passage d’un mode de transport à l’autre. De quoi laisser la voiture au garage, si tant est qu’on en ait une…

Comment s’inspirer du modèle copenhaguois en Suisse ?

Pour Mikael Colville-Andersen, l’impulsion décisive est toujours d’ordre politique. « Tant que les politiques ne se saisissent pas du sujet pour aller de l’avant, on ne peut pas espérer de changement notable, même en ayant les meilleures idées possibles en matière de mobilité douce. Tracer des bandes cyclables jaunes sur la route ne permet pas d’instaurer un sentiment de sécurité suffisamment élevé auprès des cyclistes. Une vraie piste cyclable doit être délimitée et protégée clairement. » Et la topographie ? Une fausse excuse, selon le pape du cyclisme urbain. « Même bâties en pente, les villes disposent toutes de centres et de places suffisamment plates pour y développer l’utilisation du vélo, sans parler des alternatives électriques. Un des points centraux consiste aussi à tout faire pour permettre aux cyclistes de passer du vélo aux transports publics le plus facilement possible. »