Du CO₂ au cœur des réseaux thermiques
Le raccordement de quartiers entiers à des réseaux de chauffage (ou de froid) à distance doit permettre d’accélérer la décarbonation des bâtiments. À condition bien entendu de disposer de suffisamment de sources de chaleur renouvelable et de déployer rapidement ces réseaux thermiques. Bien connue depuis une vingtaine d’années, la technologie des réseaux thermiques basse température – ou réseaux d’anergie – permet de valoriser des ressources que les réseaux classiques ne peuvent pas utiliser : la « chaleur froide » (entre 3 et 15°C) issue d’un lac, d’un cours d’eau, d’une nappe phréatique ou de la géothermie de surface, ainsi que les rejets de chaleur jusqu’à 40°C.
Un cap supplémentaire a été franchi sur le campus valaisan d’Energypolis. Un système unique au monde de réseau d’anergie au CO₂ a en effet été mis au point par un partenariat entre la HES-SO et l’EPFL Valais-Wallis, OIKEN et deux entreprises locales (Zéro-C et ExerGo). Cette technologie ouvre la voie à un déploiement plus rapide et moins coûteux des réseaux de chauffage (et de froid) à distance.
Comment ça marche ?
L’eau traditionnellement utilisée pour transporter la chaleur est ici remplacée par du CO₂ circulant en toute sécurité dans des conduites flexibles, en boucle fermée. Les propriétés physiques du CO₂ permettent d’utiliser des conduites d’un diamètre dix fois plus petit que pour celles d’un réseau à eau équivalent. L’énergie nécessaire pour le pompage est deux fois moindre et les conduites peuvent être posées à des profondeurs bien moins importantes que les réseaux utilisant l’eau comme vecteur d’énergie. Il est en outre possible de générer du chaud et du froid avec un même réseau.
C’est donc, à ce jour, la technologie la plus compacte et la plus efficace pour les réseaux d’anergie. Elle offre ainsi la possibilité de développer des projets de chauffage et/ou de froid à distance moins coûteux et dans des zones où ce n’était jusqu’alors pas envisageable, notamment en raison du manque de place (les centres-villes historiques, par exemple).
Démonstration grandeur nature
« Nous avons également identifié des problématiques concrètes où les réseaux CO₂ sont la seule solution », ajoute Jessen Page, professeur à la HES-SO Valais-Wallis et responsable du projet. Par exemple, un réseau de captage usuel des eaux du Rhône ne permet pas de l’exploiter de manière optimale en hiver, car elles sont souvent trop froides. Il ajoute que les réseaux CO₂ sont aussi un moyen de combiner efficacement les réseaux thermiques haute et basse température afin de multiplier ces installations partout où c’est possible et de fournir de la chaleur jusqu’au dernier kilomètre.
La technologie de réseau d’anergie au CO₂ a fait ses preuves sur un démonstrateur de 450 kW thermiques alimentant les trois bâtiments du campus Energypolis. « En 2023, il a permis de couvrir la moitié de leurs besoins en chaleur et en froid. C’est assez incroyable pour un démonstrateur ! » conclut le scientifique.